Emplois aidés, emplois inutiles... ?

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Financés en partie par l’État pour favoriser l’insertion des personnes les plus précaires, le nombre d’emplois aidés va être considérablement réduit. Premières touchées : les associations d’insertion. Exemples à Créteil.

Le contexte

 

Annoncée cet été, la décision de “stopper” les emplois aidés inquiète beaucoup les associations qui travaillent dans le domaine de l’insertion. La suspension quasi totale du financement de ces contrats va toucher le secteur marchand et limiter fortement ceux du secteur non-marchand, à l’exception de quelques domaines jugés prioritaires comme “l’Éducation nationale, l’urgence sanitaire et l’urgence sociale”. En clair, il ne va pas rester grand-chose aux associations et collectivités locales, utilisatrices de ce type de contrats, notamment pour accompagner les demandeurs d’emploi dans leur retour à la vie professionnelle. S’ils portent des noms différents selon leur spécificité – contrats starter, contrats uniques d’insertion (CUI), contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), emplois d’avenir (EAV), contrats initiatives emploi (CIE) - tous ont un point commun : ils concernent les personnes en difficulté d’insertion.

 

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Le gouvernement, qui les estime “coûteux” et pas efficaces dans la lutte contre le chômage”, a décidé de changer la donne et de réduire au maximum les contrats de ce type d’ici à fin décembre. “Au-delà du fait que cette baisse de 30% des contrats aidés entre 2016 et 2017 est extrêmement dommageable, l’autre souci majeur, c’est qu’on ne connaît pas la suite donnée à ce dispositif”, résume Jean-Jacques Porcheron, président de la Régie de quartier cristolienne.

Les associations désemparées

 

Sur Créteil, mais aussi sur le territoire du Grand Paris Sud Est Avenir, ce sont environ 170 personnes en difficulté d’insertion qui sont concernées par cette annonce. Sur le territoire, elles sont notamment employées chez Pep’s services-Pep’s emplois familiaux, la Régie de quartier de Créteil, Plaine Centrale Initiatives et dans une multitude de structures associatives et/ou institutions locales (hôpital Henri-Mondor, MPT Jean Ferrat, Maison de retraite de l’Abbaye, ICF La Sablière [entreprise sociale pour l’habitat], etc.).

 

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Aujourd’hui, toutes se retrouvent désemparées. Et ce n’est pas le positionnement de Pôle Emploi qui va les rassurer : “Les agences pour l’emploi ont d’ores et déjà reçu l’ordre de ne plus proposer de contrats aidés et certains bénéficiaires, pour la plupart employés par les collectivités locales, ont même vu leur convention rompue dès cet été", confirme Jean-Jacques Porcheron. "Ces dispositifs étaient pourtant indispensables pour un retour à l’emploi pérenne.” Pour preuve, il cite ce chiffre sans équivoque : “En 30 ans d’existence, la Régie de quartier a permis à 90% des 1204 salariés embauchés en contrats aidés de trouver une sortie positive.”*

 

* Une sortie positive signifie, soit l’accès à un emploi pérenne, soit l’entrée dans un dispositif de formation de longue durée.

 

 

Actuellement, la Régie de quartier dispose de six contrats aidés (cinq CUI-CAE et un EAV). Si la menace de ne plus financer ces postes se confirme, les conséquences seront lourdes. Et d’un point de vue financier, le non-renouvellement des subventions va peser sur le budget et conduire au déséquilibre de la Régie : “Pour toutes les structures d’insertion, rester à l’équilibre relève d’un exercice sur une corde raide en permanence”, ajoute-t-il.

Un tremplin pour les plus fragilisés

 

Les conséquences impacteront fortement le secteur de l’Économie sociale et solidaire qui recrute régulièrement des personnes en emplois aidés leur offrant un tremplin vers l’emploi durable. Elles seront également préjudiciables, au regard des fonctions d’utilité sociale et économique qu’occupent les personnes embauchées. Comme les trois médiateurs qu’avaient recrutés les bailleurs 3F et Efidis, “ils faisaient un travail considérable dans nos quartiers”, souligne Jean-Jacques Porcheron. Même son de cloche du côté de Laurence Willerval, directrice de Pep’s services et Pep’s emplois familiaux : “Prenez l’effectif de Pep’s emplois familiaux. Il est constitué de dix CAE, soit 53% du personnel. Concrètement, au 31 mai 2018, nous n’aurons plus de salariés en contrat aidé.”

 

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Également pénalisée, l’association Plaine Centrale Initiatives relève, quant à elle, les impacts en termes de placement à l’emploi : à compétence égale, les contrats aidés pouvaient permettre “de positionner plus facilement nos bénéficiaires sur les postes vacants auprès des entreprises partenaires”. Nombre d’associations ne savent donc pas comment appréhender la rentrée. “Il est un fait que ces emplois aidés constituent un véritable tremplin pour les publics les plus fragilisés et les plus éloignés de l’emploi, estime Jean-Jacques Porcheron. On ne peut pas décemment supprimer un dispositif, sans dire ce qu’il y aura à la place. C’est pourquoi nous demandons au préfet, comme à la Direction départementale du travail, d’engager une réflexion commune pour régler ce problème de solidarité nationale.”

 

Ville et territoire : 2/3 des emplois d’avenir ont été définitivement recrutés

À la Ville de Créteil, 9 emplois d’avenir (EAV) sont actuellement en poste et 6 au Grand Paris Sud Est Avenir. À noter que, depuis le début du dispositif en 2013, sur les 97 personnes ayant signé un EAV à Créteil et au Territoire (ex-Plaine centrale), près de 60% d’entre elles ont été définitivement recrutées (soit 58 personnes en quatre ans). L’arrêt de ce dispositif s’annonce donc comme une catastrophe pour les jeunes qui ont pu souvent, grâce à ces emplois d’avenir, avoir la possibilité d’un premier emploi accompagné d’une véritable formation professionnelle.

 

Article de Créteil, Vivre Ensemble, Octobre 2017 - n°375