Cultures urbaines : transmettre sa passion

Après Hervé Sika, ce sont deux nouveaux danseurs-chorégraphes de hip-hop qui sont venus partager leurs compétences et talents sur les terres cristoliennes dans le cadre du Contrat local d’éducation artistique (Clea). À chacun son projet et son public, mais un même dénominateur : transmettre sa passion.

 

photo de cultures urbaines

Philippe Almeida animant un atelier au studio du CCN. / © Sonia Blin

 

Après Hervé Sika, deux nouveaux danseurs-chorégraphes, Philippe Almeida et Iffra Dia, étaient présents sur Créteil, en résidences-missions, dans le cadre du Contrat local d’éducation artistique (Clea), un programme qui cible la jeunesse et les quartiers prioritaires. La direction de la Culture, pilote du dispositif, a donc croisé sa connaissance du territoire avec celle du Centre chorégraphique national (CCN), opérateur du projet, afin de proposer des sites correspondant aux projets des artistes. “Le but des résidences-missions n’est pas tant de réaliser une œuvre que de faire partager des processus de création”, explique Valérie Deronzier, chargée de mission théâtre et danse, à la direction de la Culture. Avant d’ajouter : “Ces résidences-missions permettent également aux habitants de prendre connaissance des ressources culturelles dont la Ville dispose.” Et avoir choisi des artistes complémentaires, mais tous issus de l’univers hip-hop, a favorisé le dialogue, la proximité et la transmission de messages.

 

Philippe Almeida, autodidacte, danseur et chorégraphe hip-hop depuis plus de 15 ans, a monté sa compagnie récemment, avec laquelle il a déjà produit deux spectacles. En répondant à l’offre du Clea, il a aussi souhaité donner à sa compagnie une autre dimension. “Je veux créer du spectacle, créer des événements pour la culture urbaine et transmettre !” Voilà, comment Philippe Almeida présente ses objectifs. Ce qu’il apprécie tout particulièrement, c’est l’architecture atypique des grandes villes d’Île-de-France qu’il utilise comme décors. Dès le mois de décembre, l’artiste a initié des moments de rencontre entre les jeunes de différents quartiers de la ville, soit 20 jeunes issus des équipements socioculturels (MJC du Mont-Mesly, MPT de La Haye-aux-Moines, Maison de la Solidarité) et du Clap (direction de la Jeunesse).

 

Après un travail en atelier, le chorégraphe Philippe Almeida leur a laissé choisir des endroits de Créteil qui avaient un impact sur leur quotidien. Ce sont ainsi le quartier du Palais, la dalle de l’hôtel de ville et les bords du lac qui ont été retenus comme lieux d’expression. “J’ai découvert des jeunes avec un talent innocent, pur, ayant leurs propres esthétiques que j’ai cherché à mettre en commun autour d’une même chorégraphie et autour de l’amour de la danse”, explique l’artiste. Sur un rythme de quasi-professionnels, soit trois entraînements par semaine, les jeunes danseurs ont travaillé des chorégraphies de couples, mixtes, que Philippe Almeida a restituées sous forme de cartes postales vidéo, gardant toujours en tête le même objectif : créer des rencontres.

 

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Iffra Dia animant un atelier au collège Schweitzer.

 

Iffra Dia lui aussi est un autodidacte. Il se lance dans le hip-hop au début des années 1980. Pendant 25 ans et à la faveur de nombreuses collaborations, notamment avec des artistes de danse contemporaine, il construit son langage corporel. Depuis cinq ans, il se consacre à ses propres projets avec sa compagnie et se livre au plaisir de transmettre sa passion à différents publics. En janvier, il débute sa résidence-mission à Créteil, une ville qu’il connaît bien grâce au CCN. Autour des thèmes de l’identité et du langage, la compagnie Iffra Dia intervient auprès d’adolescents en difficultés scolaires au collège Schweitzer, auprès d’adultes participant à des ateliers sociolinguistiques dans différents équipements ou encore auprès de jeunes de l’institut médico-éducatif La Nichée.

 

Des structures avec des publics aux profils différents, mais auxquels Iffra Dia souhaite inculquer le même art : relier les mots aux gestes. “J’ai souhaité travailler avec les élèves de la classe Segpa sur les émotions pour vaincre la violence avec laquelle il leur arrive de s’affronter, tout en m’appuyant sur un programme pédagogique (par exemple, Le Cri, peinture de Munch) et la charte de la laïcité”, explique le danseur. Une approche en douceur pour créer, au fil des rencontres, une relation de confiance, indispensable pour que les collégiens puissent s’ouvrir et progressivement se mettre en mouvement. Avec les adultes, Iffra Dia a souhaité recueillir les “maux” et les “mots”. Toujours sous la forme d’ateliers chorégraphiques, le danseur a voulu libérer les corps des peurs, des craintes pour que chacun puisse exprimer son individualité.

 

Après trois mois de résidence-mission, chacun, Philippe Almeida, Iffra Dia et Hervé Sika se sont tous réunis le 30 mai au CCN pour une soirée de rencontres et d’échanges. Une belle occasion de faire le bilan de leurs actions qui, espérons-le, ont bien pris racine.

 

Article de Créteil, Vivre Ensemble, juin 2016, n°363