Rencontre : Salomé Nashed, du rêve à la réalité

Plus que jamais, la science a besoin des femmes ! Le 12 octobre dernier, 35 jeunes et brillantes chercheuses ont été mises à l’honneur lors de la remise du prix Jeunes Talents pour les femmes et la science France 2022 par la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et l’Unesco. Parmi elles se trouve la Cristolienne Salomé Nashed, au parcours remarquable, inspirant et prometteur.



Salomé Nashed dans son bureauPouvez-vous vous présenter ?
Salomé Nashed. J’ai 26 ans, j’ai habité toute mon enfance à Créteil. J’étais scolarisée à l’école Paul Casalis, mais pour avoir une prise en charge adaptée à mon handicap, j’ai intégré une école spécialisée à Paris. Je suis non voyante de naissance à cause d’une maladie génétique, l’amaurose congénitale de Leber. Je suis actuellement en 4e année de doctorat. J’étudie le transfert des protéines vers les mitochondries par nos cellules. Je me destine au métier d’enseignante-chercheuse.

 

Atteinte de cécité, vous êtes aujourd’hui biologiste ?
SN. J’ai toujours adoré la biologie, qui se trouve être la science de l’observation. Évidemment, j’ai beaucoup entendu que ça serait impossible, mais je voulais essayer pour ne pas avoir de regret. Au début, quand j’ai intégré une licence “Sciences du vivant” à l’université Pierre et Marie Curie, il y a eu beaucoup de réticences, mais je me suis battue et j’ai créé mes propres outils. Quand il y avait des schémas au tableau, je demandais aux enseignants de me les dessiner sur la paume de la main pour les mémoriser et en faire une description sur mon ordinateur. J’ai construit des molécules en Lego, touché les dissections sans gants… Les professeurs ont senti ma passion, ce qui a abouti à une belle expérience humaine. J’ai ensuite intégré un master de biologie moléculaire et cellulaire (ndlr. obtenu avec mention très bien).

©Jean-Charles Caslo

 

Quels sont les enjeux de vos recherches ?
SN. Mes recherches ont pour objectif d’identifier les caractéristiques de signaux portés par certaines protéines permettant à nos cellules de les envoyer vers les mitochondries, ces compartiments qui fabriquent l’énergie dont la cellule a besoin. Pour illustrer, c’est comme si, à la Poste, des étiquettes étaient collées sur différents colis (les protéines) en fonction de leur destination. Je cherche à comprendre à quoi doit ressembler l’étiquette “mitochondrie”, qui pourra ensuite être collée à des molécules thérapeutiques pour les envoyer directement aux mitochondries des malades.

 

Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être une femme dans la science ?
SN. L’école ne présente pas encore suffisamment de modèles de femmes de science aux jeunes générations. Puisque notre société est composée aussi bien de femmes que d’hommes, la science qui la sert devrait être pensée par les deux sexes sans distinction. C’est le message que je transmets aux jeunes filles, que j’encourage à poursuivre des études scientifiques.

 

Qu’est-ce que cela représente pour vous de recevoir ce prix ?
SN. Au-delà des 15 000 euros qui vont m’être attribués, c’est une reconnaissance du travail accompli, une valorisation de mes recherches et un tremplin pour l’avenir.