Société : violences conjugales, parlons-en
violence conjugale

En France, une femme sur dix est victime de violences conjugales. Dans le département, ce sont près de 3200 femmes qui sont suivies par des professionnels pour ce motif. À Créteil, un réseau de lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales aide les victimes à se sortir de cette situation.

 

C’est un fléau que l’on aimerait endiguer définitivement. Chaque jour, des milliers de femmes sont victimes de violences parce qu’elles sont femmes, bien souvent à l’intérieur même de leur foyer. Dans le Val-de-Marne, le nombre de plaintes de femmes victimes de violences au sein du couple a augmenté de façon significative, atteignant 3500 plaintes en 2017. Quand on sait que seulement 14% des victimes de violences conjugales osent porter plainte, elles sont donc nombreuses à avoir besoin d’un accompagnement pour entamer cette démarche.

 

C’est pour toutes ces femmes et pour leurs enfants qu’un réseau de lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales s’est mis en place en 2014 à Créteil, à l’initiative du Département et de GPSEA (ex-Plaine centrale). L’objectif ? Que les différents interlocuteurs des victimes travaillent en lien les uns avec les autres pour améliorer la prise en charge des victimes.

 

Un travail en complémentarité

 

Ce réseau est composé de services et d’élus de la Ville et du Territoire, de professionnels des Espaces départementaux des solidarités (EDS), de la Caf, du commissariat de Créteil et d’associations locales qui exercent une mission d’intérêt général d’aide aux victimes. GPSEA consacre chaque année près de 80 000 € pour soutenir trois de ces associations : Tremplin 94 SOS Femmes, le CIDFF 94 (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles) et Espace Droit Famille. Les acteurs de ce réseau se réunissent tous les deux mois pour aborder des situations individuelles anonymisées, mais aussi pour réfléchir à des actions plus générales de détection, de lutte contre les violences et de protection des victimes. “Le travail en complémentarité est primordial, assure Aurélie Launay de Tremplin 94 SOS Femmes.

 

Aucune association ne peut accompagner, seule, une femme victime de violences conjugales, tant les problématiques qui en découlent sont étendues, qu’il s’agisse d’hébergement, d’emploi, de santé, d’accès au droit… En travaillant tous ensemble, on améliore cette prise en charge.” C’est dans cet esprit qu’un répertoire recensant tous les professionnels de l’accompagnement juridique, psychologique, médical et social a été diffusé aux organismes et associations susceptibles d’accueillir et d’orienter les victimes, afin de les adresser vers les interlocuteurs adéquats. Chacun avec ses spécificités, tous ces partenaires donnent aux femmes victimes de violences et à leurs enfants l’aide dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit pour ne plus subir et pouvoir se reconstruire.

 

Qu’est-ce que la violence conjugale ?

La violence conjugale est une atteinte à l’intégrité de l’autre, une emprise dont il est difficile de se dégager. Elle peut prendre plusieurs formes :

  • physique : gifles, bousculade, coups, strangulation, brûlure, séquestration…
  • sexuelle : viol conjugal, agression sexuelle, pratiques sexuelles imposées…
  • économique et administrative : confiscation des moyens de paiement, des documents officiels, interdiction de travailler…
  • verbale : cris, injures, menaces…
  • psychologique : intimidation, humiliation, dévalorisation, chantage affectif, interdiction de fréquenter des amis ou de la famille…

 

À Tremplin 94 SOS Femmes

50, rue Carnot (Maisons-Alfort) / Tél. : 01 49 77 52 12

Aider les femmes à redevenir sujets de leur décision

Cette association, référente “violences conjugales” sur le département, a pour mission d’accueillir, d’accompagner et d’héberger les femmes et enfants victimes de violences conjugales dans le Val-de-Marne. Différents modes d’accueil sont proposés aux femmes, qu’elles soient parties ou non de leur domicile : avec ou sans rendez-vous, par téléphone, entretiens individuels ou groupes de paroles… Des travailleuses sociales les écoutent, les soutiennent et les accompagnent, à toutes les étapes de leur parcours. En 2017, près de 1000 femmes ont été accueillies par l’association. L’association intervient également pour le relogement des victimes avec 70 places d’hébergement sur le département. Mise à part la structure expérimentale d’hébergement d’urgence à Chennevières, les femmes restent en moyenne 18 mois dans ces logements avant de trouver un hébergement autonome. Sollicitée par des partenaires et sous l’égide du Parquet de Créteil, Tremplin 94 est également chargée d’évaluer le danger pour les victimes, notamment le risque de féminicide. Certaines victimes, menacées de viol, d’agression ou de meurtre, peuvent se voir attribuer un “Téléphone Grave Danger”, géolocalisé et équipé d’une touche spéciale qui appelle une société de téléassistance, elle-même en relation avec la police qui arrive plus rapidement qu’en composant le 17.

 

violence conjugale

 

« Le travail d’écoute est le plus important. Il s’agit d’offrir à ces femmes un espace de parole, de les reconnaître en tant que victimes, de les aider à réfléchir à ce qu’elles vivent et à ce qu’elles souhaitent faire. Chacune a son rythme, ses ressources, ses freins. Quand elles sont prêtes, on les questionne, par exemple, sur les valeurs qu’elles veulent transmettre à leurs enfants. Il y a des mythes qui ont encore la vie dure, comme celui du « devoir conjugal », révélateur d’un rapport d’inégalité hommes-femmes. Les violences conjugales sont le reflet de cette inégalité. »

 

Aurélie Launay, cheffe de service pédagogique du Pôle ressources

 

 

Au CIDFF 94

12, avenue François Mitterrand / Tél. : 01 72 16 56 50

Déceler une situation de violence

L’association mène, depuis plus de 40 ans, des actions en faveur de l’égalité homme-femme et lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes. En 2017, elle a accueilli 681 femmes victimes de violences, dont 430 victimes de violences conjugales. Dans le cadre de ses permanences, le CIDFF accueille et recueille les premières demandes, souvent d’ordre généraliste. C’est un temps d’écoute important parce qu’il peut permettre de déceler une situation de violence alors que ces femmes viennent pour un autre motif, comme trouver un nouveau logement, un travail, connaître leurs droits… L’association les accompagne dans leurs démarches, les aide à obtenir un rendez-vous avec d’autres organismes, conserve des copies de documents administratifs importants, peut les orienter vers un psychologue… Les femmes sont systématiquement recontactées quand elles ne donnent pas de nouvelles. C’est un suivi qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. 

 

« Dans un premier temps, nous les écoutons. Nous mettons des mots sur ce qu’elles subissent. Cette reformulation permet de leur faire prendre conscience de la gravité des faits. Un deuxième rendez-vous leur est proposé rapidement. Rares sont les femmes qui prennent des décisions au premier entretien. »

Élise, juriste

 

« Les femmes ont besoin de beaucoup de temps dans ce genre de démarche. Ce n’est pas rien de déclencher une procédure contre le père de ses enfants. Elles sont très hésitantes. Nous essayons d’accompagner les femmes dans cette reconnaissance d’état de victime et de ses conséquences sur elles, sur le couple, sur les enfants… Il y a plusieurs façons d’agir, cela peut être de se séparer, de déposer plainte, de réfléchir à l’organisation d’un nouveau mode de vie… Quitter le domicile a des conséquences dont les victimes ne se rendent pas forcément compte, au-delà de l’aspect financier. Il faut penser, par exemple, à ce que devient l’autorité parentale. Il faut qu’elles aient tous les éléments pour pouvoir se reconstruire. »


Véronique Dubayle, directrice

 

violence conjugale

 

Paroles de femme

« Mon mari me séquestre entre quatre murs, je suis cantonnée à la cuisine. Il ne me laisse pas travailler, mais il ne me donne pas d’argent non plus. Il m’injurie, me dévalorise. Avant, c’était seulement en privé, maintenant, c’est en public aussi. J’ai l’impression d’être une esclave. »

 

F., 46 ans, à la permanence du CIDFF 94

 

À l’Espace Droit Famille

Place de La Habette / Tél. : 01 48 98 05 78

Délier ce qui est de l’ordre du conjugal et du parental

Association de soutien à la parentalité, Espace Droit Famille est labellisé PAD (Point d’accès au droit), avec des juristes spécialisés en droit de la famille. Lors des consultations pratiquées, peuvent être révélées des situations de violences conjugales et de violences intrafamiliales. L’association ne propose pas de médiation en cas de violences récurrentes, car aucune médiation n’est possible quand il existe un phénomène d’emprise. En revanche, pour les violences dites ponctuelles, les personnes concernées, des parents séparés pour la plupart, peuvent être reçues en médiation, pour qu’elles puissent trouver des accords au sujet des enfants notamment.

 

L’association est aussi un Espace Rencontre. Ce lieu neutre, qui possède deux entrées distinctes, permet à l’enfant de continuer à voir son père et au père d’exercer son droit de visite, sans que la mère ne le croise. Pour certains pères, qui n’ont pas vu leur enfant depuis plusieurs mois, mais ont l’obligation par le juge aux Affaires familiales de maintenir le lien avec l’enfant, c’est bien souvent un moment d’apprentissage de la parentalité. Les intervenants sont présents pour apaiser des tensions, trouver d’autres moyens de s’exprimer quand le dialogue est compliqué. Médiateurs familiaux, psychologues et travailleurs sociaux accompagnent ces familles pour que chacun puisse exprimer ses besoins, être entendu et que les choses bougent.

 

violence conjugale

 

« Nous voyons de plus en plus de femmes confrontées à des violences ponctuelles. Il y a toutes celles qui connaissent des situations infernales de cohabitation forcée quand le couple se sépare, mais n’a pas les moyens d’avoir un deuxième logement. Bien souvent, l’enfant est au cœur des conflits. La médiation a pour but de pacifier la situation en trouvant une organisation pour que les parents, même séparés, forment une « équipe parentale ». »

 

Céline Meyer, directrice

 

 

 

Pour être écoutée et s’informer :

 

Violences Femmes Info : 3919

Numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences et à leur entourage.

Appel anonyme et gratuit 7 j/7 (lundi-vendredi : 9h-22h, dimanche, samedi et jours fériés : 9h-18h).

 

violence conjugale

L’Espace Rencontre de l’association Espace Droit Famille permet notamment à un enfant de continuer à voir son père sans que la mère ne le croise.

 

Article de Créteil, Vivre Ensemble, janvier 2019 n°388

Qu’est-ce que la violence conjugale ?

La violence conjugale est une atteinte à l’intégrité de l’autre, une emprise dont il est difficile de se dégager.
Elle peut prendre plusieurs formes :

  • physique : gifles, bousculade, coups, strangulation, brûlure, séquestration…
  • sexuelle : viol conjugal, agression sexuelle, pratiques sexuelles imposées…
  • économique et administrative : confiscation des moyens de paiement, des documents officiels, interdiction de travailler…
  • verbale : cris, injures, menaces…
  • psychologique : intimidation, humiliation, dévalorisation, chantage affectif, interdiction de fréquenter des amis ou de la famille…