Solidarité : accueil et orientation des demandeurs d’asile, un devoir mal partagé
accueil asile

Le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés est particulièrement dense sur Créteil. Les services de la Ville, qui se voient contraints de manière indue à prendre en charge de nombreux dossiers, se retrouvent bien seuls face au nombre très important de situations à traiter. Au final, cette concentration des dispositifs sur notre ville ne facilite pas une prise en charge administrative efficace et digne des personnes concernées.

 

Au-delà de la nécessaire solidarité et du secours que les pays européens et la France ont décidé d’apporter à ceux qui sont les premières victimes des conflits en Syrie ou en Irak notamment, les conditions d’accueil sur le terrain, doivent être à la hauteur des ambitions affichées par les pouvoirs publics dans le respect de la dignité humaine. Car, en réalité, la concentration des centres d’accueil et d’orientation comme ceux implantés à Créteil ne facilite pas forcément une bonne prise en charge des personnes par les différents organismes. En effet, ceux-ci sont déjà débordés et cela n’est pas sans incidence sur le travail des services de la Ville, notamment ceux du CCAS.

 

Des difficultés liées à la domiciliation

 

Les centres d’accueil et d’orientation prennent en charge et assurent le suivi des migrants pendant le temps nécessaire à l’étude de leur demande d’asile. Une fois celle-ci statuée, les personnes sont orientées vers les services sociaux, le plus souvent pour une domiciliation et des aides de première nécessité (hébergement, nourriture). Elles sont aussi accompagnées, si elles sont reconnues en tant que réfugiées, dans leurs démarches d’accès aux droits. Pour les services de la Ville et du CCAS, la problématique se situe essentiellement au niveau des personnes orientées par la plateforme de la rue Viet, gérée par France terre d’asile (voir encadré). Il s’agit le plus souvent de personnes isolées qui s’adressent au CCAS pour établir un dossier de RSA. Elles sont donc dirigées vers les services de la Ville au vu de leur adresse administrative située “rue Viet”. Et cela, même si elles bénéficient par ailleurs d’un hébergement dans une autre commune, voire un autre département. La domiciliation a un coût : 35 000 € versés chaque année par le CCAS à l’association Emmaüs pour ces prises en charge.

 

Une surcharge de travail pour les services de la Ville

 

Un nouveau décret de 2016 devait permettre de régler ce problème de domiciliation, car il introduit la notion “de lieu de vie” qui ouvre un droit à la domiciliation dans la commune où la personne réside effectivement. Pourtant, cette règlementation s’avère très difficile à appliquer. Ainsi, lorsqu’une personne dispose d’un “lieu de vie” hors de Créteil et que le CCAS contacte la commune concernée, il se voit régulièrement signifier un refus de prise en charge. Au final, c’est le service Insertion sociale du CCAS de Créteil qui instruit les demandes de RSA. En outre, ce public requiert un accompagnement soutenu pour l’ouverture des droits : barrière de la langue, difficulté pour effectuer les différentes démarches (surtout s’il ne vit pas à Créteil), etc.

 

En 2017, 30% des dossiers RSA instruits par le service Insertion sociale ont concerné des personnes réfugiées (199 dossiers sur un total de 672). Le CCAS ne dispose d’aucun moyen supplémentaire pour assurer cette mission. De plus, il est à déplorer que, pendant les périodes où les centres d’accueil sont saturés, des demandeurs sont conduits à dormir dehors comme cela a été le cas dernièrement, rue Albert Einstein. Ce sont des habitants qui ont signalé ces situations à la mairie. Incontestablement, l’amélioration du suivi des personnes sortant de la plateforme “rue Viet”, passe par l’affirmation d’une priorité du lieu de vie sur tout autre critère de domiciliation.        

 

Les chiffres et la réglementation

À Créteil en 2015, 4277 demandeurs d’asile en provenance de toute l’Île-de-France ont été suivis, dont 504 admis au Cada (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile). 1909 personnes étaient domiciliées à la plateforme de la rue Viet. Cette plateforme gère également un dispositif Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda) avec 265 places d’hébergement en hôtel. Durée moyenne du séjour : 378 jours.

La Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl) a recensé un peu plus de 1400 places d’hébergement sur Créteil, tous publics confondus : migrants, étudiants, jeunes travailleurs, personnes âgées, personnes en difficulté sociale, etc. Or, selon la réglemen­tation en vigueur qui impose 1 place pour 1000 habitants, la Ville de Créteil pourrait ne disposer que de 92 places.

 

Les établissements et services implantés à Créteil

 

  • L’Office français de l’immigration et de l’intégration [Ofii]

Opérateur de l’État en charge de l’intégration des migrants, l’Ofii (rue Claude Nicolas Ledoux) assure la gestion des procédures d’immigration professionnelle et familiale.

  • La plateforme d’accueil des demandeurs d’asile

La plateforme gérée par France terre d’asile (24, rue Viet) assure le suivi des demandeurs d’asile primo-migrants, de leur arrivée jusqu’à leur admission au Centre d’accueil pour demandeurs d’asile [Cada] ou la fin de leur procédure. Elle aide à la constitution des dossiers de demande d’asile et fournit notamment une domiciliation administrative.

  • Le Centre d’accueil pour demandeurs d’asile [Cada]

Situé au centre Miguel Angel Estrella (110-112, Chemin Vert des Mèches), le Cada accueille les demandeurs d’asile jusqu’au terme de leur procédure et assure un accompagnement administratif et social. Capacité : 200 places, dont 170 en collectif et 30 en logement diffus [à Créteil, Villeneuve-Saint-Georges et Alfortville]. Nombre de personnes présentes durant l’année 2016 : 333. Nombre de personnes entrées durant l’année 2016 : 171 (68 ménages). Les familles bénéficient des prestations municipales pour leurs enfants (convention avec France terre d’asile pour la cantine, attribution de l’aide à la pratique d’activités sportives et culturelles).

  • Le Centre de transit

Situé au centre Miguel Angel Estrella (112, Chemin Vert des Mèches), le Centre de transit assure aujourd’hui des séjours de longue durée, essentiellement pour des personnes adressées par les services du ministère de l’Intérieur dans l’attente d’une orientation. Capacité : 80 places. 506 personnes accueillies en 2016.

  • Le Pôle d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers [Peomie]

Le Peomie (6, rue Albert Einstein) est en charge de la protection des mineurs étrangers isolés. Il assure un hébergement temporaire des jeunes bénéficiant d’une prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance [ASE]. 1308 jeunes suivis dans le dispositif en 2016.

  • Le dispositif d’Accueil des mineurs isolés étrangers [Amie]

Situé au centre Miguel Angel Estrella (112-120, Chemin Vert des Mèches), le dispositif Amie assure une prise en charge de longue durée de 20 mineurs étrangers admis à l’ASE de Paris pour une durée de 2 ans. Capacité : 20 places. 29 jeunes accueillis en 2016. Moyenne d’âge : 17 ans. Durée moyenne de prise en charge : 30 mois (pour les jeunes sortis en 2016).

  • L’établissement d’hébergement d’urgence géré par Coallia

Situé dans l’ancien centre de tri de la Poste (rue Marc Séguin), ce centre provisoire a été aménagé initialement pour accueillir des migrants expulsés du camp de Stalingrad-Jaurès à Paris.

  • Le Centre provisoire d’hébergement [CPH]

Géré par France terre d’asile, le CPH (112-120, Chemin Vert des Mèches) accueille, sur orientation par l’Ofii, les personnes reconnues réfugiées ou bénéficiaires d’une protection subsidiaire. Il assure un hébergement et un accompagnement social global en vue de leur insertion. Capacité : 129 places en logement diffus sur Créteil et Villeneuve-Saint-Georges.

 

Article de Créteil, Vivre Ensemble, avril 2018, n°381