Commerces de proximité : préserver la diversité des commerces

Afin de préserver l’attractivité et le dynamisme du Centre Ancien grâce à la diversité des commerces que l’on trouve, notamment dans la rue piétonne, une réflexion est lancée avec l’association des commerçants et les services de la Ville, afin  d’envisager la mise en place d’un dispositif de sauvegarde.

 

 

Plus de 110 commerces animent aujourd’hui la rue piétonne du Centre Ancien. À Créteil Village, les consommateurs sont heureux d’y trouver, au quotidien, toute une gamme de commerces de bouche : poissonnier, fromager, traiteurs, bouchers, charcutiers, épicerie fine, boulangers, pâtissiers, cavistes, primeurs, etc. La richesse de cette offre commerciale est complétée par une maison de la presse, des fleuristes, parfumeries, instituts de beauté, salons de coiffure et magasins de prêt-à-porter, sans oublier restaurants et cafés dont certains disposent de grandes terrasses sur la place Henri-Dunant.

 

Pourtant, la diversité de ces commerces de détail est souvent menacée, notamment lors de transmissions, ventes ou changements de bail. Dès lors, comment conserver l’attractivité du Centre Ancien dans sa diversité commerciale si, au fur et à mesure que des boutiques changent de propriétaire ou de bail, ce ne sont pas des commerces de même nature qui s’installent ? Si, à la place d’un commerce de bouche, par exemple, s’ouvre une agence bancaire ou immobilière ? Peut-on agir pour ne pas laisser la seule “loi de l’offre et de la demande” définir l’avenir du Centre Ancien ? Existe-t-il des dispositions permettant d’encadrer réglementairement l’installation de nouvelles activités ou commerces ? De permettre à une commune, à un territoire de se substituer à un acquéreur et, si oui, est-ce souhaitable pour tout le monde ? Toutes ces questions sont au centre d’une réflexion portée par la Ville et le Territoire, avec l’association des commerçants de Créteil Village.

 

photo du commerce 1

 

Un rôle économique et social

 

Sur le plan des aménagements urbains ou des animations, l’action de la Ville a toujours accompagné les activités des commerçants dans la mesure où elles participent pleinement à l’équilibre général du vivre ensemble, tant sur le plan économique que social. C’est pourquoi, la commune et l’ex-communauté d’agglomération Plaine centrale sont intervenues, à de nombreuses reprises, pour améliorer le fonctionnement des centre commerciaux de quartier : bâtis, espaces extérieurs, accessibilité.

 

Ce fut le cas à Kennedy, au Palais ou, plus récemment, à l’Échat. Dans le Centre Ancien, l’intervention de la Ville a permis, dès les années 1990, de rendre piétonne la rue du Général-Leclerc, d’embellir l’environnement des commerces existants afin de faciliter les échanges avec les habitants du quartier. Devenu “sans voitures”, le Centre Ancien s’est découvert sous un jour bien plus agréable, montrant un cœur de ville intéressant par son histoire et son architecture, et attractif par ses boutiques.

 

Qui songerait aujourd’hui à revenir en arrière ? Ces aménagements ont été suivis par la création de places de stationnement sur la voirie et la construction de nombreux parkings (Brossolette, Joly et Monfray), soit aujourd’hui 312 places publiques et gratuites (les trois premières heures). Leur nombre sera bientôt porté à plus de 550 avec l’opération de restructuration globale de la “Brossolette-Leclerc”, ce qui compensera largement la fermeture du parking de la Porte de Brie. Récemment encore, avec l’aide de l’ex-communauté d’agglomération, les aménagements piétonniers de la rue du Général-Leclerc ont été prolongés jusqu’à l’avenue Brossolette, offrant une entrée de ville accueillante avec ses bassins, ses oliviers, ses jets d’eau et le monument dédié au général Lacharrière.

 

photo du commerce

 

Le Centre Ancien a réussi, à la fois, à accueillir de nouveaux habitants (réalisation d’une nouvelle offre de logements) et à préserver son caractère et son authenticité, avec des commerces indépendants qui ont une âme et qui occupent donc une place essentielle dans l’animation et le “mieux consommer”, au bénéfice du quartier et de ses habitants.

 

Maintenir l’attractivité et la spécificité

 

Pour autant et malgré les besoins des habitants, le renouvellement des enseignes est loin d’être automatique. Certaines d’entre elles ne trouvent pas facilement de repreneurs alors que des agences d’assurances, immobilières ou bancaires, qui disposent de moyens financiers plus importants, saisissent toute opportunité d’implantation. Sans fustiger systématiquement ces nécessaires activités, ce phénomène, constaté sur tout le territoire national, n’est pas sans questionner les communes et leurs habitants sur leur devenir.

 

De plus, les commerces de proximité doivent faire face à la fois à la grande distribution et aux nouvelles manières de consommer que propose internet avec l’e-commerce. Si le “petit” commerce pâtit évidemment de la multiplicité des offres, il n’est pourtant pas sans atout, à commencer par la proximité, la qualité et la diversité des produits qu’il propose, mais aussi à travers l’accueil, la convivialité et la communication qu’il peut développer envers les consommateurs.

 

Aujourd’hui, grande distribution et petits commerces peuvent et doivent vivre ensemble. Dans une ville comme Créteil, ils sont même complémentaires, chacun ayant son rôle social et économique. Par exemple, au cœur de la ville, la demande de produits bio est nettement en hausse, de même que le commerce équitable. On exige de plus en plus de cycles courts entre producteurs et consommateurs pour les produits alimentaires. De nouvelles habitudes ciblent une consommation plus raisonnée, plus responsable, plus éthique et donc plus durable. De belles perspectives s’ouvrent ainsi au commerce de détail.

 

Pour autant, la préservation de ces espaces d’échanges que sont les commerces de proximité dépend de tous. Et, à défaut de déplorer un peu plus chaque jour leur disparition, chacun doit mesurer sa capacité à agir pour qu’ils puissent continuer encore longtemps à vivre et animer nos centres-ville.

 

Les pistes de réflexion

Le constat

Malgré un fort potentiel d’attractivité commerciale, la diversité des commerces du Centre Ancien pourrait se réduire au bénéfice d’une augmentation des services tertiaires (banques, agences immobilières). Afin de préserver une vie de quartier animée et une offre commerciale diversifiée, le droit en matière d’urbanisme prévoit deux dispositions. La première possibilité concerne le règlement de zones du PLU, la seconde, la mise en place d’une zone de sauvegarde.

 

Première possibilité : réviser le Plan local d’urbanisme [PLU]

Les nouvelles dispositions du code de l’urbanisme permettent de renforcer le contrôle des destinations des locaux commerciaux. Elles permettent, en effet, de distinguer les “commerces et activités de service”, notamment celles touchant l’“artisanat et le commerce de détail” des “activités de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle”. Faire jouer ces dispositions permettrait de prévoir des règles particulières pour chacune des activités au sein de telle ou telle zone du PLU. Pour ce faire, il serait nécessaire d’engager une procédure de révision du PLU.

 

Conséquences

Sans nier l’intérêt d’une telle réglementation, il est important de préciser qu’en interdisant l’installation “d’activités de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle”, dans la rue piétonne par exemple, pourrait avoir pour effet de rendre difficile la cession d’un bien, d’un bail ou encore d’un fonds par un commerçant de la rue.

 

Deuxième possibilité : créer une zone de sauvegarde du commerce de détail

La création d’une zone de sauvegarde permet à une commune ou à un territoire d’intervenir pour le maintien de la diversité des activités commerciales et artisanales. Cela permet de lutter contre la transformation de locaux commerciaux en bureaux, agences bancaires ou immobilières et de faciliter la venue et l’installation de nouveaux commerçants et artisans.

 

Ce dispositif crée un droit de préemption commercial (l’acquisition éventuelle des murs se ferait à travers le droit de préemption existant), mis en œuvre par la commune ou le territoire. Il nécessite une mobilisation financière publique pour l’acquisition des baux et des fonds de commerce, et la mise en place d’une gestion provisoire de ceux-ci pendant la recherche et l’accompagnement des futurs exploitants auxquels seraient cédés les fonds ou les baux commerciaux ou artisanaux.

 

À ce titre, le nouvel établissement public territorial (T11) pourrait décider de mettre en œuvre ce dispositif en lien avec d’autres communes intéressées. Pour cela, il serait nécessaire que soit adoptée une délibération délimitant le périmètre de sauvegarde après avis de la Chambre de commerce et d’industrie et de la Chambre des métiers et de l’artisanat.

 

Conséquences

La cession du bail ou du fonds par un commerçant de la rue piétonne ne serait plus aussi libre qu’aujourd’hui. Car ce droit de préemption permettrait à la commune ou au territoire de se substituer à l’acquéreur. Dans ce cas, la préemption serait réalisée sur la base de l’avis des Domaines (fixation du prix par les services financiers de l’État) ou, en cas de contentieux, par le juge de l’expropriation.

 

Article de Créteil, Vivre Ensemble, avril 2016, n°361